D’après une étude américaine, près de 50% de la centaine de ruptures de ponts observée par an aux Etats-Unis est provoquée par un problème d’affouillement. Ce phénomène concerne non seulement les ponts, mais également tous les ouvrages hydrauliques dont les bases sont placées directement dans une rivière.
« En constituant un obstacle à l’écoulement, les piles de ponts dévient la rivière de sa trajectoire. L’écoulement s’en trouve alors perturbé, et entraîne avec lui sable et sédiments. Rapidement, le lit de la rivière s’érode et une fosse d’affouillement se forme tout autour de l’ouvrage, explique Matthias Renaud, qui consacre sa thèse à l’étude de ce phénomène au LEGI*.
Si la rivière est trop gourmande en sédiments, la fosse se creuse et peut endommager les fondations de l’ouvrage, qui, dans le pire des cas, peut aller jusqu’à s’écrouler. »
Ne pas sous-estimer les petites échelles
Pour améliorer la sécurité d’un ouvrage, il est nécessaire de prendre en compte le risque d’affouillement dès sa phase de conception. Et pour cela, les modèles numériques sont indispensables. Mais reproduire numériquement réalité est très compliqué : il faut en effet prendre en compte de nombreux phénomènes, parfois à très petite échelle.
« L’écoulement est turbulent : il est constitué d’une multitude de tourbillons qui varient en taille, en forme, sont aléatoires et chaotiques, et pourtant très importants car ce sont eux qui arrachent les sédiments du lit de la rivière et les emportent dans l’écoulement, » souligne le jeune chercheur.
Une fois les sédiments en suspension dans l’eau, une compétition s’instaure entre la gravité qui a tendance à les faire couler, et les turbulences qui les re-entrainent dans l’écoulement. D’autres encore glissent et roulent sur le lit de la rivière, et quand localement la pente devient trop importante, des avalanches se produisent.
« Tous ces mouvements conjugués modifient la géométrie du lit de la rivière, qui finit par se creuser. »
A l’heure actuelle, les logiciels utilisés en ingénierie fluviale et côtière permettent de résoudre les phénomènes se produisant à grande échelle, mais sont incapables de capturer les détails des écoulements. Les modèles académiques qui considèrent les phénomènes aux petites échelles sont bien trop gourmands en puissance de calcul pour être utilisés dans l’industrie.
« Il faut donc trouver un compromis en modélisant numériquement tous ces phénomènes et en développant un modèle numérique open source qui les représente au mieux, sans calculs trop lourds, explique Matthias Renaud.
Cela sera mon travail durant les trois prochaines années, et si j’y arrive, les ingénieurs auront la vie un peu plus facile ! »
En effet, un tel logiciel pourrait être utilisé pour dimensionner au plus juste la géométrie des piles, les fondations, les ouvrages de protection, et faire des économies sans rien sacrifier à la sécurité. Mais avant cela, les évolutions logicielles devront être validées par des expériences en laboratoire avec Artelia.
*CNRS, UGA, Grenoble INP – UGA
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